Shanghai à mi-chemin entre Pékin et Hong Kong



Attachez vos ceintures, vous allez arriver à Shanghai à plus de 300km/h. Pas par le TGV, mais grâce à un train ultra moderne à sustentation magnétique. Inauguré en 2002, le Maglev met 8 minutes pour effectuer le trajet de 30 kilomètres entre l'aéroport international de Pudong et le centre ville. L'engin futuriste symbolise le développement et l'ambition d'une mégapole à mi-chemin entre Pékin et Hong Kong, aussi bien géographiquement que culturellement, économiquement et politiquement.

Le plan d'urbanisme de Shanghai est d'abord très différent de celui de Pékin, une agglomération à peu près comparable en nombre d'habitants (respectivement 23 et 20 millions) mais plus de trois fois supérieure en superficie. Au lieu d'être découpée en cercles concentriques comme son homologue du Nord, la capitale économique chinoise se divise en différents quartiers aux atmosphères très différentes, de la vieille ville à la concession française. Les gratte-ciels sont disséminés un peu partout au milieu de ces ensembles de maisons, qui sont comme autant de villes dans la ville. L'ensemble reste relativement restreint, et il est tout à fait possible de visiter Shanghai sans emprunter une seule fois les transports publics. La congestion du trafic s'en ressent: en quatre jours je n'ai vu aucun bouchon.

Les arnaques pour touristes sont tout aussi présentes qu'à Pékin, même si la tactique est différente: deux personnes vous accostent en vous demandant d'abord de les prendre en photo, puis vous expliquent qu'elles sont là juste pour quelques jours, et vous enjoignent alors à grands renforts de compliments de les accompagner à un « Chinese Festival » ou une « tea performance » soi-disant très typiques. Ils vous emmènent en réalité dans un atelier d'art ou un salon de thé, en vous demandant à la sortie de payer le prix fort pour ce que vous avez vu ou consommé. Leur démarche est à chaque fois étrangement similaire, et grâce à nos mésaventures pékinoises j'ai réussi à ne pas me faire avoir ce coup-ci!

L'emprise politique se fait beaucoup moins ressentir que dans la capitale du pays. La présence policière, certes importante, est par exemple beaucoup moins visible. De même, bien que la propagande marxiste du Musée du Premier Congrès du Parti Communiste ne soit pas sans rappeler l'exposition sur la « réjuvénation du peuple » du Musée national de Chine à Pékin, les collections du Musée d'Histoire de Shanghai reconnaissent le rôle de l'occupation étrangère passée dans l'ouverture et la prospérité présente de la ville. Les concessions française et britannique se sont en effet peu à peu constituées comme d'importants comptoirs commerciaux après la Deuxième Guerre de l'Opium en 1860, et n'ont été démantelées qu'en 1949 avec l'arrivée au pouvoir des communistes.

Shanghai a été largement influencée par cette forte présence étrangère, même si la ville n'est jamais devenue une colonie à proprement parler comme Hong Kong, cédée à l'Empire Britannique par le traité de Nankin mettant fin à la Première Guerre de l'Opium en 1842. Les traces de l'occupation occidentale y sont toutefois beaucoup plus visibles. La plupart des bâtiments historiques du fameux Bund ont été rénovés pour en faire l'emblème de Shanghai en vue de l'Exposition Universelle de 2010, tandis qu'à Hong Kong les vestiges de l'héritage britannique sont désormais disséminés au milieu des buildings et beaucoup moins mis en valeur.

Les deux villes se disputent aujourd'hui le rôle de « porte d'entrée » de l'immense marché chinois, et présentent des profils assez semblables économiquement, avec notamment chacun une Bourse et un port très importants (le plus actif du monde pour Shanghai, le troisième pour Hong Kong). Hong Kong joue de son statut d'ancienne colonie, d'une population d'expatriés nombreuse et de standards d'anglais élevés pour faire valoir son ouverture internationale, tandis que Shanghai s'appuie davantage sur sa proximité culturelle et linguistique avec l'Empire du Milieu.

La concurrence entre les deux villes semble fonctionner sur le modèle des vases communicants, puisque le ralentissement de l'expansion économique de Hong Kong à la fin des années 1990 a coïncidé avec la croissance exponentielle de Shanghai consécutive à l'ouverture de la Zone Économique Spéciale de Pudong. La récente nomination de Xi Jinping à la tête de la République Populaire de Chine pourrait une nouvelle fois illustrer ce phénomène, en jouant en faveur de Hong Kong avec le retour de la production industrielle dans la province voisine du Guangdong. Hu Jintao, prédécesseur de Xi et ex-dirigeant du Tibet, avait en effet choisi de relocaliser de nombreuses usines plus à l'intérieur du pays, une décision sur laquelle pourrait revenir le nouveau maître de Pékin, ex-élu de la province côtière du Fujian et issu d'une tendance politique opposée.

J'ai pu me rendre compte jusqu'à maintenant du dynamisme et de la prospérité économique de la Chine en visitant les trois plus grandes villes du pays (Pékin, Shanghai, Canton). Cependant la moitié de la population chinoise vit encore dans les campagnes et le salaire moyen y est six fois moins élevé que dans les villes. La Chine de l'intérieur fera donc l'objet d'un dernier voyage pour tenter d'avoir une vision plus globale et juste de ce pays si fascinant et si particulier.



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