Hong Kong et Singapour au-delà des apparences



Hong Kong et Singapour font l'objet de fréquentes comparaisons. Leurs modèles économique, social ou politique, sont souvent confrontés. Ces villes ont enregistré toutes les deux un développement économique assez exceptionnel depuis les années 1960-70. Elles ont toutes deux été des colonies britanniques pendant près de 150 ans. Mais les points communs s'arrêtent bien vite.

Dès la sortie de l'aéroport de Singapour, le passager qui vient de Hong Kong est d'emblée surpris par l'anglais impeccable du chauffeur de taxi. En plus, il est loin d'être une exception. Tous les panneaux sont traduits dans les rues, radio et télévision diffusent des programmes en anglais, et jusqu'au moindre petit commerçant toute la population semble maîtriser la langue de Shakespeare. Bien plus qu'à Hong Kong, où le cantonais prend largement le dessus sur les deux autres langues officielles.

La deuxième chose qui frappe, c'est l'importance accordée à la notion d'espace à Singapour. Les 2 fois 3 voies semblent vides, peu fréquentées en raison des conditions très prohibitives requises pour acquérir une voiture. Arbres et plantes, bien que d'allures peu naturelles, essaiment sur les bords de la chaussée. Les parcs sont nombreux, les habitations espacées. Ce sont majoritairement des maisons peu hautes, semblant accroître encore la largeur des rues.


L'atmosphère est aussi rendue très différente par un multiculturalisme nettement plus palpable. Dans le quartier musulman, le visiteur s'imagine dans une ville du Moyen-Orient bien plus qu'en plein cœur du sud-est asiatique. Même à une heure avancée de la nuit, des hommes barbus continuent de palabrer aux terrasses des bars à chicha, à deux pas d'une des nombreuses mosquées de la ville. Magasins de foulard pour femmes, bazars et autres restaurants traditionnels, rythment l'endroit.

Du côté de Little India, le quartier indien, l'ambiance est tout aussi enivrante. La circulation est beaucoup plus désordonnée, les trottoirs sont bondés. Dans la fournaise des marchés, il faut arriver à se frayer un chemin au milieu de la foule et des étales qui dégorgent d'épices, de vêtements, de chaussures, de gâteaux, de souvenirs... La musique traditionnelle et une profusion de couleurs s'ajoutent à un festival de senteurs, ravissant presque tous les sens.

Chinatown apparaît bien fade à côté. Les maisons basses prennent le pas sur les longs buildings. L'espace, la propreté et la faible agitation tranchent également par rapport aux grandes villes chinoises actuelles.

Dans l'ensemble, Singapour semble plus agréable à vivre que Hong Kong. Cependant, à long terme, le constat peut s'inverser. La rigueur des règles de la cîté-Etat finît probablement par peser. Le malfaiteur qui crache dans la rue, qui mange ou qui boit dans le métro, peut être sanctionné d'une amende. Comme celui qui traverse au feu rouge ou qui demande l'arrêt du bus pour ne pas descendre. Les journaux, complétement contrôlés par le pouvoir militaire, relatent jusqu'à la moindre consommation de drogue, passible de six mois de prison ferme. Le trafic est quant à lui puni de la peine de mort, récemment appliquée dans le cas d'un touriste sud-africain qui transportait dans son bagage 3 kilos de méthamphétamine. En rentrant, le relatif désordre de Hong Kong devient presque appréciable finalement!

Un autre facteur qui pousse à considérer un séjour prolongé dans la Région Administrative Spéciale de la République Populaire de Chine plus plaisant que dans la petite île de la péninsule malaise, demeure la différence de leurs environnements proches. Si la ville est oppressante à Hong Kong, elle est aussi très concentrée et la nature est toute proche. A Singapour l'urbanisation est certes plus harmonieuse, mais s'étale sur tout le territoire. Aussi plaisants soient-ils, on reste toujours plus ou moins cloisonnés dans les mêmes endroits. Paroles de singapouriens.


 

Dépaysement garanti à Bintan


C'est comme si l'Indonésie commençait dès que vous voulez prendre le bateau pour l'île de Bintan. Il est 18h, un orage équatorial éclate. Des trombes d'eau s'abattent sur Singapour. Assez authentique jusque-là. Sauf qu'ici les chauffeurs de taxi ne veulent pas prendre le risque d'un accident, en circulant sur des voies littéralement inondées. Le dernier enregistrement avant le départ du ferry a lieu dans moins de 45 minutes, trop tard pour se rendre au terminal en transports en commun. Les billets sont déjà réservés, il faut trouver une solution. Comme un avant-goût de l'organisation indonésienne...

Une petite montée d'adrénaline et un chauffeur kamikaze aidant, finalement vous avez même le temps d'un café avant d'embarquer. Le bateau peu rempli n'est pas gage d'assurance par cette météo capricieuse. La nuit semble cependant absorber les vagues qui se cassent sur la coque du navire, apaisant les angoisses. Le trafic alentour est absolument impressionnant. Pendant toute la traversée, les lumières des porte-containers éclairent le chemin, presque sans discontinuer. Voilà ce que veut dire être le deuxième port le plus actif au monde.

Bintan est à une heure de ferry de Singapour, deux avec le décalage horaire. Un monde. En arrivant il faut acheter un visa, sorte de taxe bien plus que formalité administrative. Les douaniers ne contrôlent même pas le contenu des bagages. Ni les policiers ni les employés d'hôtels qui sont venus accueillir les touristes ne parlent anglais. Les files d'attente sont diffuses, les indications intégralement en indonésien.

Le désordre est encore plus complet sur les routes. Les deux-roues, transportant parfois toute une famille, sont largement majoritaires par rapport aux voitures. Ils roulent à toute vitesse au milieu de la chaussée, frôlant bien souvent les véhicules qui viennent en face. Le bitume, parsemé d'ornières, se transforme parfois soudainement en un chemin de terre. Il en faut cependant plus pour déstabiliser notre habile chauffeur, qui continue de siffloter tranquillement et de klaxonner avant chaque virage.

Il a d'abord fallu traverser Bindan Resorts, la partie Nord de l'île qu'a rachetée un homme d'affaires russe pour y développer un tourisme de haut niveau. Elle est entièrement privée, les usagers sont même stoppés par un péage où ils doivent s'acquitter d'une taxe spéciale pour pouvoir circuler dans la zone. Heureusement l'hôtel que nous avons réservé se trouve à l'écart de ce monde artificiel, nous y parvenons après une heure de trajet à travers la forêt.

Arrivés de nuit, quel n'est pas notre émerveillement quand au petit matin nous découvrons le paysage idyllique qui s'offre à nous dès la sortie du bungalow! La mer est à quelques mètres, d'un vert très pâle. Un groupe de petits oiseaux gris inspecte le sable de leurs longs becs. Comme dans une carte postale, une île verdoyante se trouve juste en face, à quelques centaines de mètres. Sur le rivage, de hauts et longilignes cocotiers s'étirent crânement, encouragés par le climat équatorial.

Les transports en commun étant inexistants, nous louons des scooters pour partir explorer l'île. Pas le choix, il faut bien vite s'habituer à la conduite locale, toujours se tenir sur ses gardes. Une moto peut surgir à tout moment sur votre voie dans un virage, une voiture s'engager alors que vous êtes pourtant à quelques mètres, un singe ou un chien traverser la route. Le danger peut également venir de votre machine, même à deux passagers ces petites cylindrées montent jusqu'à plus de 80km/h et les freins ont du mal à suivre! Nous avons eu la prudence de porter des casques, contrairement à la plupart des autres motocyclistes.

Après plus de 60 kilomètres et deux heures de route au milieu de paysages très variés, tantôt plages paradisiaques tantôt forêts épaisses ou petits villages pittoresques, nous arrivons à Tanjung, la petite capitale de l'île de Bintan. Dépaysement garanti, nous sommes presque les seuls occidentaux. Les rues sont animées, des badauds n'hésitent pas à nous accoster pour offrir un taxi, une location de scooters ou des objets en tout genre. Le nombre de femmes voilées est beaucoup plus important qu'à Hong Kong, celui des mosquées également.

Au détour des ruelles, nous tombons sur un vieil homme en train de faire cuire des poissons au barbecue. Nous nous installons. Personne ne parle anglais, le passage de commande est folklorique. Après quelques détours et fous rires, un poisson délicieusement cuisiné arrive dans nos assiettes. Le repas est simple mais excellent, l'atmosphère joyeuse, nous restons attablés un long moment.

J'ai eu le temps d'expérimenter les toilettes indonésiennes. Pas de cuvette, juste deux emplacements pour mettre ses pieds, et une trappe qui donne directement sur une rivière pleine de détritus. Pas non plus de papier pour s'essuyer, juste un bac avec de l'eau graisseuse et un récipient pour se servir. Le même dispositif pour se laver les mains en sortant. L'hygiène est des plus rudimentaires.

Nous ressortons la tête pleine de sourires et de joyeux souvenirs, tout cela pour moins de deux euros chacun (25 000 roupies indonésiennes). Dehors, un orage rugit et des pluies diluviennes inondent la ville. Il ne doit pas exister de système d'évacuation, il y a parfois jusqu'à 50 centimètres d'eau dans les rues. Le retour en scooter s'annonce épique.

Heureusement la tempête se calme petit à petit, nos vêtements trempés sèchent assez vite. Sur le chemin du retour, nous prenons le temps de nous arrêter à Trikora, présenté comme la plus belle plage de l'île. Il n'y a pas beaucoup de fond et la baignade n'est pas exceptionnelle, mais le cadre est somptueux. Après un bon repas dans une petite cabane de paille surplombant la plage, nous rentrons à l'hôtel. C'est déjà le lendemain qu'il faut prendre le ferry du retour. Les bagages ne sont pas plus lourds, mais la peau bronzée et les esprits émerveillés par ce petit séjour en terre indonésienne.

 

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