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7 jours à Java



Plus sale, polluée et sombre que n'importe quel endroit de Bali, c'est comme si Gilimanuk était déjà une ville javanaise. L'agglomération où se trouve le terminal de ferry pour se rendre à Java, prépare en quelques sorte le passager à ce qu'il va trouver sur l'autre rive.

La pauvreté est beaucoup plus palpable que sur le reste de « l'île des dieux », où une solidarité familiale s'exerce de manière très forte. Les membres d'une même famille vivent encore au sein de la même warung (regroupement de maison en un bloc commun).

Autour du ferry, le spectacle des gamins qui se battent dans l'eau polluée pour attraper les pièces que leur jettent les touristes depuis le bateau est affligeant.

Le contraste est encore plus saisissant en débarquant à Java. Il est évident que les touristes sont plus rares. Très peu de locaux parlent anglais, et les standards des logements sont loin d'être les mêmes, avec draps sales, cafards dans la chambre et rats qui grattent aux murs.

Un autre aspect majeur de la différence entre les deux îles est religieux. Le muezzin qui appelle les fidèles à la prière au beau milieu de la nuit, ainsi que les femmes voilées, rappellent que l'Indonésie est en passe de devenir le premier pays musulman du monde. Mis à part ces deux éléments, et une fois un hôtelier qui nous a refusé une chambre parce que nous n'étions pas un couple marié, l'islam est assez discret.

La pression anthropique est toutefois un point commun entre les deux îles. Bali compte presque 4 millions d'habitants pour une superficie de 5 600 kilomètres carrés (les deux tiers de la Corse), tandis que Java contient plus de la moitié des habitants de la quatrième nation la plus peuplée du monde, soit près de 140 millions de personnes.

De l'aube jusqu'au crépuscule il y a un trafic très dense sur les routes, avec notamment un nombre impressionnant de scooters. Des gens plus ou moins oisifs attendent toujours sur le bord de la chaussée. Le taux de chômage n'est pourtant « que » de 6,6%, car il existe énormément de petits boulots. Mettre les courses dans des sacs plastiques, déchirer des tickets d'entrée, ou encore appuyer sur un bouton d'ascenseur, peut devenir un métier.

Alors qu'à Bali nous avions plutôt bénéficié des avantages d'un tourisme développé, à Java nous avons expérimenté le contraire. L'offre touristique atteint tout juste la demande. C'est pourquoi aucun prix n'est négociable, et les touristes sont encore plus la cible d'arnaques qu'à Bali.

Lors de notre premier trajet en bus, nous avons par exemple fait l'erreur de payer notre ticket auprès du seul jeune homme qui parlait anglais, et qui nous avait gentiment fait monter dans le bon bus. Arrivé à mi-parcours, le contrôleur nous indique qu'il faut prendre une correspondance pour rallier notre destination finale.

Or une fois dans le second bus le chauffeur nous demande de payer de nouveau, car le contrôleur du premier bus lui dit que nous avons payé uniquement pour aller jusqu'ici et pas jusqu'au bout. Il sait pertinemment que c'est faux, puisque s'il n'avait pas reçu notre argent il serait venu nous le réclamer. Le ton monte et nous sommes contraints de descendre, et d'attendre dans cette gare routière hostile le bus suivant.

Les bus et les trains indonésiens sont un peu comme le métro parisien, avec des mendiants, des groupes de musique ou des vendeurs à la sauvette qui montent à chaque arrêt. Ils se retrouvent tous dans les gares, où il est également fréquent de croiser des infirmes, culs-de-jatte, malades tuméfiés ou couverts de pustules. Ils sont nombreux en Indonésie, sans doute en raison d'un système d'hygiène et de santé peu performants.

Dans le cas de notre escroquerie, nous avons pu nous rendre compte que la police n'est pas d'un grand secours. Les agents ne parlent pas anglais, et cherchent davantage à rigoler entre eux plutôt qu'à comprendre notre problème.

De même, une fois je me suis fait arrêter par un policier pour avoir pris un sens interdit en scooter. Grandes bottes noirs, uniforme brun, grosses lunettes de soleil et chapeau mexicain, il m'a interpelé en criant d'une voix rauque. De façon excessivement autoritaire, il m'a demandé de me garer sur le côté, de couper le moteur et de lui présenter mon permis de conduire. Après cinq minutes d'auscultation et quelques questions étranges, il s'est mis à rire de mon nom avec ses collègues et m'a laissé partir sans autres frais.

La perception indonésienne des règles est assez intéressante, et peut devenir savoureuse lorsqu'ils se lancent dans la justification de l'injustifiable. Une fois nous sommes montés avec des locaux sur des scooters pour rallier deux villes, ils ne portaient pas de casques. Comme nous avions démarré juste devant un policier, je demande subrepticement à mon conducteur si le port du casque est également obligatoire dans cette partie de l'île. « Oui c'est obligatoire, mais le policier est un copain... il m'a dit que c'était bon si je faisais attention... et puis ça descend... »!

Arpenter les routes indonésiennes, et notamment prendre un bus de nuit, permet sans doute de mieux comprendre le pays. Tandis que l'activité dans les villes s'arrête assez tôt, la nuit tombant à 18h toute l'année, même à deux heures du matin le trafic routier est toujours très dense.

Le chauffeur de notre bus public n'aura lâché ni sa cigarette ni le volant pendant 9h d'affilée. Il passe tout le trajet à doubler des gros camions ou des grands bus climatisés presque vides, comme s'il chevauchait une mobylette. On s'arrange, parfois on se croise à trois de front, parfois en face on s'arrête, et il ne semble pas se poser le moindre problème.

D'après les locaux et la plupart des guides de voyage, Java présente deux points d'intérêt touristiques majeurs: le volcan du Mont Bromo et la ville de Yogyarkarta. Le premier, culminant à plus de 2000 mètres d'altitude et toujours en activité, offre effectivement des panoramas irréels assez impressionnants. Le calme et la sérénité du paysage sont seulement troublés par le vacarme des jeeps qui transportent les hordes de touristes au sommet.

Quant à Yogyakarta, la capitale culturelle de l'Indonésie, c'est une ville très plaisante. Les touristes indonésiens sont légions, mais les occidentaux plutôt rares. Du moins à en croire un vendeur de tissu qui nous dit avoir appris l'anglais et le français « pour son plaisir », plus que par besoin. Beaucoup d'ailleurs parlent un très bon français, après avoir suivi les enseignements de l'Alliance française de la ville.

Personne ne tente de nous arnaquer sur les prix, et plusieurs fois des passants se proposent pour nous faire visiter gracieusement leur quartier, ou bien nous accompagner jusqu'à notre destination afin que nous ne nous perdions pas.

Si l'ambiance de la ville est très plaisante, les principaux lieux touristiques des alentours sont assez décevants. Le palais du sultan (le fameux Kraton) est banal et ses collections assez pauvres. Les temples de Borodubur et Prambanan, situés respectivement à 40 et 15 kilomètres de la ville, ont été largement rénovés et aménagés pour les touristes, au détriment de la préservation de l'authenticité du lieu. Pour des sites dont le premier est notamment inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO, les explications fournies sont très pauvres, se résumant à quelques lignes issues d'une traduction Google peu compréhensible.

Enfin, notre périple indonésien s'achève à Jakarta, la capitale économique et politique de l'archipel. L'agglomération de 14 millions d'habitants est fidèle à sa réputation. Sale, hyper-polluée et peu accueillante.

La vue du haut des 132 mètres de la colonne de l'indépendance offre le triste panorama d'une ville noyée sous la grisaille. Les musées nationaux proposent des explications bien souvent incomplètes, ou très simplistes. Alors qu'il pleut tous les jours pendant quatre mois de l'année, le système d'irrigation est toujours défaillant et les précipitations rendent les rues de la ville boueuses. C'est donc crasseux et trempés jusqu'aux os que nous prenons l'avion pour Phuket.


 

VIDEOS

Comme s'ils nourrissaient des animaux, des touristes jettent des pièces et des billets à ces enfants qui se battent pour les attraper. Ils n'hésitent pas à les lancer tout près de l'hélice, même une fois le bateau en marche. La scène se déroule dans les eaux polluées du port de Gilimanuk, à l'embarcadère du ferry pour Java:
http://www.youtube.com/watch?v=vgrzwyxPunA&feature=youtu.be

Le plus grand marché au tissu de Yogyakarta, où les touristes indonésiens sont nombreux pour le dernier jour des vacances nationales:
http://www.youtube.com/watch?v=T8ege_iSwC0&feature=youtu.be

Spectacle de percussions dans Jalan Malioboro, l'artère principale de Yogyakarta. Ce genre de scènes est plutôt courante dans la « capitale culturelle de l'Indonésie »:
http://www.youtube.com/watch?v=GG1Bj85cz30&feature=youtu.be

Il n'existe pas de passage piéton à Jakarta, mieux vaut savoir saisir sa chance pour traverser les grandes artères:
http://www.youtube.com/watch?v=Wj9cKm9MiqE&feature=youtu.be

 


PHOTOS

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