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3 jours à Kuala Lumpur



C'est sûrement un peu simpliste, mais je pense qu'une image est assez représentative de la capitale malaisienne. Autour de Merdeka Square, la place centrale de la ville où a été proclamée en 1957 l'indépendance du pays aux dépens de l'Empire Britannique, une mosquée, une église, un temple hindouiste et un temple bouddhiste ont l'air de cohabiter sans heurts.

Avec 55% de malais, 25% d'Indiens et 20% de Chinois, la composition ethnique de la population malaisienne est presque aussi large que sa diversité religieuse. La dénomination pompeuse de « carrefour des civilisations » ne semble donc pas si usurpée pour qualifier la Malaisie, ou du moins sa moderne capitale.

Un autre trait qui frappe le visiteur, ce sont encore une fois les énormes contrastes de cette ville. Au pied des tours jumelles de la puissante compagnie pétrolière nationale Petronas, un temps les tours les plus hautes du monde avec 452 mètres, se dressent derrière des fils barbelés des immeubles délabrés où s'amoncellent les détritus.

Les immenses centre commerciaux aseptisés et sur-climatisés côtoient de minuscules supérettes aux odeurs de poisson pourri ou de viande en décomposition. Les rails du métro automatique et ultra-moderne surplombent les bords tagués et sales du canal d'une rivière boueuse. A Kuala Lumpur comme à Hong Kong, les plus riches sont très riches et les plus pauvres sont très pauvres.

J'ai eu la chance d'avoir une longue discussion animée avec Ridz, un malaisien rencontré sur un marché. Il me confirmait l'harmonie de la société malaisienne, au-delà de tous ses mélanges. Mais si ce jeune trentenaire psychologue de formation m'a abordé aux détours des étals d'un marché du quartier chinois, c'est pour me présenter la thèse du livre qu'il est en train de rédiger.

Après des centaines d'interviews qu'il a réalisées auprès de touristes « blancs » et d'asiatiques de tous horizons, il est parvenu à la conclusion que l'Asie s'occidentalise suivant un phénomène irréversible.

Selon lui, la cause principale serait la volonté manifestée par les asiatiques bien éduqués, occupant des emplois importants ou appartenant aux classes supérieures, d'imiter les standards occidentaux perçus comme l'expression d'un modèle indéfectible. Cela se manifesterait par l'usage de l'anglais au profit des autres langues nationales, l'obsession de s'afficher avec des « blancs », ou encore le fait de consommer de plus en plus de marques occidentales.

Les asiatiques seraient alors victimes d'un complexe d'infériorité plus ou moins inconscient, qui les pousseraient à vouloir ressembler le plus possible aux occidentaux, en signe de réussite sociale. D'après mon interlocuteur, cette attitude serait due pour 40% à la colonisation, le reste provenant davantage d'une intériorisation de ce complexe d'infériorité que propagent les classes privilégiées les plus influentes.

Ridz pense que le phénomène serait trop avancé pour qu'un retour en arrière soit envisageable. D'ici quelques décennies l'Asie serait entièrement occidentalisée. Le seul moyen d'enrayer le processus serait que les « blancs » eux-mêmes enjoignent les asiatiques de ne pas les imiter. Il faudrait qu'ils valorisent leur culture, pour lui donner une importance que les seuls asiatiques ne suffiraient plus à lui donner. Car en plus d'avoir réussi, désormais pour avoir un certain crédit en Asie il faudrait « être blanc ».

Concrètement, à l'orée de mon périple asiatique, il me conseille de discuter au maximum avec des locaux afin de montrer mon intérêt pour les cultures traditionnelles, et de refuser catégoriquement toute photo avec des inconnus en leur expliquant que c'est « stupide ».

Sa thèse me semble toutefois excessive puisqu'il généralise sur toute l'Asie, alors qu'il ne s'est jamais aventuré ni en Inde, ni en Chine ni au Japon, mais a seulement voyagé dans les pays de la péninsule indochinoise, en Thaïlande, Malaisie et Indonésie (où même s'il ne pouvait pas comprendre la langue il me dit avoir ressenti une identité commune, du fait notamment de la similarité des paysages et d'une même « façon de cuire le riz »).

En voyageant en Chine et en discutant avec beaucoup de locaux à Hong Kong, j'ai pu ressentir une véritable identité chinoise, authentique et non tournée vers une imitation quelconque de l'Occident. Un exemple des plus illustratifs et très présent dans le début public de l'ancienne colonie britannique, demeure l'abandon progressif de l'anglais au profit du cantonais comme langue officielle.

De même dans la suite de mon périple, en Indonésie puis en Thaïlande, mis à part dans les endroits les plus touristiques où les occidentaux sont majoritaires, je n'ai pas ressenti cette occidentalisation. Bien au contraire, j'ai plutôt perçu la subsistance d'un mode de vie authentique et de traditions locales fortes.

Cette discussion très engagée a au moins eu le mérite de me faire réfléchir sur la pertinence de mon voyage. Je tire cependant de ce périple une conclusion plus optimiste que mon interlocuteur malaisien, qui déclarait qu'occidentaux et asiatiques proviennent de cultures si différentes qu'ils ne peuvent se comprendre qu'à 20% maximum, et que leurs rapports sont forcément biaisés par le tourisme.


 

VIDEOS


Aux Batu Caves, des fidèles recevant leur bénédiction d'un trait blanc sur le front:
http://www.youtube.com/watch?v=PaxmXCt165Q&feature=youtu.be

Le jeune homme qui se dit possédé, au cours de sa lente ascension jusqu'à la grotte sacrée. Il s'arrête ainsi pour se concentrer sur presque chacune des 272 marches, sans prononcer un seul mot. Après être arrivé au temple, il s'évanouit puis revient à lui comme dépossédé, parlant et s'amusant alors avec ses camarades qui l'ont accompagné et soutenu pendant toute la montée:
http://www.youtube.com/watch?v=gMaVaX5vNmo&feature=youtu.be


PHOTOS

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